Le vieux batailleur et le socialisme en Colombie-Britannique
Soumis par Ben Isitt, le
À son retour à San Francisco, après qu’il ait été expulsé du Parti socialiste travailliste des États-Unis en Californie, M. Kingsley travailla un certain temps comme bibliothécaire. Il avait présenté sa candidature au Congrès en 1896 et en 1898, mais fut chassé du parti en 1900, lors d’une dispute entre les factions. M. Kingsley tenta alors sa chance dans l’état du Washington, où il fonda, en 1901, l’éphémère Revolutionary League (Ligue révolutionnaire) de Seattle. Mais M. Kingsley était bien connu au Canada. Il se rendit, sur invitation, à Nanaimo en février 1902 pour une tournée de conférences éducatives de deux mois. À l’époque, les lois canadiennes sur l’immigration permettaient rarement aux personnes ayant des handicaps d’immigrer au Canada. Cependant, l’expertise que M. Kingsley avait développée à San Francisco dans la structure de la pensée socialiste fit de lui un atout important en tant qu’éducateur, organisateur et orateur pour le mouvement émergent du socialisme radical en Colombie-Britannique.
Les politiques de M. Kingsley ont bien peu changé au cours des années subséquentes. Il continua, avec acharnement, de chercher une solution politique à la problématique socialiste. À l’époque à laquelle il fut invité à venir au Canada, au lieu de concentrer leurs énergies sur l’amélioration de la qualité de vie de la classe ouvrière, les penseurs socialistes de différentes factions commençaient à élargir leurs horizons et à explorer la possibilité de devenir une force politique calculée avec comme objectif le contrôle de l’État. L’arrivée de M. Kingsley coïncida aussi avec la montée en popularité du désir d’unification politique en Colombie-Britannique, ou moment où il contribua à la réunification, en 1903, du Parti socialiste de la Colombie-Britannique et du Parti socialiste révolutionnaire de la Colombie-Britannique, ce-dernier s’étant séparé du premier auparavant. Travaillant de concert avec Richard P. Pettipiece, un journaliste socialiste du quotidien le Western Clarion, M. Kingsley devint éditeur en chef de ce journal et en fit une voix puissante pour l’avancement du socialisme politique.
Bien que M. Kingsley contrôlait le message intellectuel du parti socialiste du Canada, publiquement, des élus populaires sur l’île de Vancouver et parmi les communautés minières des montagnes du Kootenay de la région Intérieure de la province, tels que James H. Hawthornthwaite et d’autres politiciens qui s’affichaient comme socialistes, étaient à la tête du parti. Dans ces régions, M. Kingsley était perçu comme un organisateur et orateur qui cherchait à augmenter l’appui public de la cause du parti socialiste du Canada.
En 1907, lorsque Ernie Burns, dont la membriété au parti socialiste du Canada avait était suspendue, a quitté le parti pour créer le Parti socialiste démocratique de la Colombie-Britannique, un nouveau conflit se déclara entre les factions des impossibilistes et des gradualistes. Le dogmatisme d’Eugene Kingsley fut identifié comme la cause principale de cette rupture. Les problèmes délaissés lorsque M. Kingsley négocia l’unification des deux factions en 1903 ressurgirent, laissant la gauche, en Colombie-Britannique, aussi divisée qu’elle l’avait été dans le passé.
Malgré la discorde, M. Kingsley continua sa tournée, avec acharnement, en 1908, voyageant à Winnipeg, puis à Toronto, pour donner des discours, faire campagne et organiser le mouvement. Bill Pritchard, socialiste notoire de la Colombie-Britannique, considéra M. Kingsley comme « le père », ou même « le vieux batailleur » du mouvement. M. Kingsley était un militant ardent et chevronné. Mais le caractère obstinément immuable de son idéologie s’est avéré aussi avantageux que problématique.